Conflit Imerys aux États-Unis -
Proche d'un règlement par pression des actionnaires?

ICEM
Mise à jour 46/2000
11 mai 2000

TOUT SE PASSA D'UNE MANIÈRE typiquement française.

Mardi passé, les actionnaires d'Imerys, une société multinationale de matériaux et minéraux dont le siège est en France, se retrouvèrent dans un grand restaurant parisien pour leur assemblée générale annuelle.

Mais une note discordante résonna bientôt. Et, comme le remarque le journal Libération aujourd'hui, on risque d'en retrouver les échos à travers le monde français des affaires.

"Frémissement des actionnaires", écrit Libération. Et, en effet, le quotidien poursuit, "Ne vivent-ils pas un épisode de la petite révolution qui secoue le capitalisme français ? Après les États-Unis et la Grande-Bretagne", écrit Libération, "la France est gagnée par 'l'investissement socialement responsable' ou 'investissement éthique', un nouveau mode de pression sur la gestion des entreprises."

Derrière toutes ces difficultés, existe un sérieux problème de travail, créé par Imerys à ses usines dans la ville américaine de Sylacauga.

Imetal et English China Clays étaient les deux sociétés principales qui, l'année passée, ont fusionné pour former Imerys. Avant cela, Imetal et EEC exploitaient des usines voisines à Sylacauga, l'usine Imetal étant représentée par des Travailleurs des industries du papier, industries connexes, de la chimie et de l'énergie (PACE). Le jour même de la fusion entre les deux compagnies, Imerys retira sa reconnaissance du PACE et dénonça l'accord collectif signé par Imetal et PACE.

PACE lança une campagne pour obtenir le droit des travailleurs de Sylacauga à la représentation syndicale. Au niveau mondial, PACE est affiliée avec la Fédération International du syndicat de la Chimie, et de l'Énergie des Mines (ICEM) représentant 20 millions de travailleurs. Avec l'aide de l'ICEM, la campagne se mondialisa. Plus particulièrement, les syndicats en France et en Grande-Bretagne, où Imerys possède des sites importants de production, firent pression sur la compagnie pour qu'elle abandonne son attitude antisyndicale aux États-Unis.

Cette attitude était d'autant plus surprenante qu'Imerys s'est efforcée obtenir - en général avec succès - de bonnes relations avec les syndicats dans ses usines européennes. Les syndicats en Europe ont été particulièrement indignés par l'emploi de "briseur de syndicat" (union busters) à Sylacauga - des avocats spécialisés dans la lutte antisyndicale.

Voilà pourquoi, mardi, quelques questions embarrassantes ont été posées dans ce restaurant parisien.

Les investisseurs écoutèrent Jyrki Raina de l'ICEM, qui représentait 4000 actions d'Imerys détenues par Walden Asset Management. Il informa les quelques 200 actionnaires présents qu'il souhaitait "qu'une vérification de cartes", lors de laquelle la reconnaissance syndicale est donnée après qu'une majorité des travailleurs signent des cartes d'autorisation, serait la meilleure façon de résoudre les problèmes à Sylacauga. Cela était nécessaire, nota Raina, puisque la compagnie avait détruit les conditions sous lesquelles une élection libre pouvait avoir lieu.

Penny Schantz, la coordinatrice européenne de PACE, demanda au directeur d'Imerys, Patrick Kron pourquoi Imerys avait toujours l'intention de faire campagne contre le syndicat, si une élection avait lieu. Elle donna la position écrite officielle de PACE à Kron, indiquant qu'une société qui menait une campagne antisyndicale était "inacceptable". PACE maintient que les travailleurs devraient décider la question de la représentation syndicale sans interférence de la société.

Kron, cordial bien qu'ébranlé par les événements, déclara que si une élection se déroulait, la société avait l'intention de communiquer avec les travailleurs mais que la campagne "ne serait pas contre le syndicat". Il dit aussi que la situation à Sylacauga devrait être traitée localement et "pas en déposant une plainte auprès de l'OCDE ou en présentant ces questions à Paris." Ceci faisait référence à une déclaration faite par la CSC, Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE. La CSC soutenait fermement la demande du PACE. L'OCDE a son quartier général à Paris.

Les actionnaires entrant le restaurant reçurent des circulaires qui posaient des questions importantes à propos de la conduite d'Imerys en Alabama. L'une d'elles : "Pourquoi la société s'est-elle engagée dans des pratiques antisyndicales aux États-Unis quand elle essaye d'améliorer ses relations avec les syndicats en Europe ?"

Parmi ceux qui distribuaient ces feuillets se trouvait Joe Drexler, le Directeur des projets spéciaux du PACE. Il est l'organisateur de la campagne contre Imerys.

Tous ces efforts pourraient bientôt porter leurs fruits. Les directeurs d'Imerys furent courtois et positifs mardi, aussi bien lors de la réunion des actionnaires que durant les discussions informelles avec les syndicats par après. L'ICEM leur a envoyé une note les remerciant et leur demandant une résolution rapide du conflit à Sylacauga.

PACE et la direction locale de la société doivent se rencontrer aux États-Unis demain. Les présages sont bons. Imerys a récemment effectué des changements importants parmi ses dirigeants aux États-Unis.

En attendant, l'ICEM a été engagée dans deux groupes de pression d'actionnaires de multinationales en l'espace de deux jours - Imerys à Paris mardi et la réunion annuelle générale de la société géante des mines Rio Tinto à Londres hier (détails dans mise à jour ICEM 45/200).

Et dans un autre signe des temps, Libération note que de nombreux actionnaires d'Imerys connaissaient déjà la dispute à Sylacauga. Ils en avaient découvert les détails sur le site web de la campagne Imerys de PACE/ICEM.